A la base de ce projet, un constat: sans itinéraires officiels, la pratique du VTT exerce une pression trop importante sur la forêt et ses habitants. Fin 2019, les forestiers du 1er arrondissement ont donc décidé de réunir les communes du Grand-Fribourg, les autres propriétaires forestiers et des usagers de la forêt (promeneurs, coureurs, vététistes…) pour lancer les discussions et chercher des solutions. Ces démarches ont mené à l’officialisation d’une partie des pistes de VTT existantes.
Les explications de Nicolas Lauper, président de la corporation Forêts-Sarine.
Qu’est-ce qui a poussé le Service des forêts et Forêts-Sarine à s’impliquer dans un projet d’itinéraires VTT?
Nicolas Lauper: Nous nous sommes investis par souci pour la nature. Pour les forestiers, comme pour les vététistes, la nature est précieuse. Mais, ce qu’on constate dans nos forêts, c’est que tant qu’il n’y a pas d’itinéraires officiels et balisés, les usagers vont partout. Il est donc souhaitable qu’un réseau officiel, réfléchi et coordonné, se mette en place.
Quels sont les objectifs avec la mise en place d’un tel réseau?
Nicolas Lauper: Le VTT soumet les forêts et le paysage à des contraintes et à des pressions, qui donnent souvent lieu à des conflits avec d’autres usagers de loisirs, avec les propriétaires de forêts et de terrains ainsi qu’avec les autorités. Une planification s’impose pour tenir compte des divers besoins.
Quels sont les impacts négatifs de la pratique du VTT en forêt?
Nicolas Lauper: Le VTT est une source de perturbations et de stress pour la faune sauvage, qui voit aussi son habitat fragmenté. Les mouvements parfois brusques des vététistes et leur vitesse élevée peuvent provoquer des réactions de fuite violentes chez le gibier. Cela peut conduire à des concentrations élevées de gibier à certains endroits de la forêt, où des dommages importants peuvent alors survenir. Dans les zones où la pression du gibier est déjà élevée, la conservation de la forêt pourrait de ce fait être compromise à long terme.
Qu’est-ce qui va changer avec un réseau d’itinéraires officiels?
Nicolas Lauper: L’objectif est de canaliser la présence des vététistes dans la forêt. Les pistes officialisées ne sont pas nouvelles, elles étaient existantes et elles ont été choisies en collaboration avec les vététistes. Elles conviennent donc à leurs pratiques. Mais les parcours ont aussi été sélectionnés en fonction de leur stabilité, en prenant soin d’éviter les zones sensibles de la forêt et en tenant compte des autres utilisateurs. De plus, ces parcours officiels bénéficieront d’un entretien, ce qui évitera qu’une piste se déplace ou s’élargisse au gré des conditions.
Cela reste inhabituel qu’un service forestier s’implique comme porteur d’un projet d’itinéraires VTT…
Nicolas Lauper: C’est vrai que c’est assez inédit. Mais cette implication des forestiers s’est révélée utile dans les discussions avec les propriétaires. C’est plus facile de se parler entre «gens de la forêt», qui ont les mêmes préoccupations. Un élément a été très important pour les propriétaires au moment de signer la convention de passage: l’officialisation des itinéraires les libérait de la responsabilité en cas d’accident sur leur terrain. Cette responsabilité est en effet assumée par Forêt-Sarine, qui s’est assurée en conséquence. L’entretien a également fait l’objet d’une convention. L’ingénieur forestier Frédéric Schneider s’est beaucoup investi pour trouver les meilleures solutions.
Ce projet pourrait-il en susciter d’autres?
Nicolas Lauper: Je l’espère, oui. Les mêmes problèmes se retrouvent dans la forêt du Burgerwald et ailleurs et la volonté existe de trouver des solutions. Ce projet du Grand-Fribourg prouve qu’il est possible de légaliser des pistes en forêt.
Propos recueillis par Sophie Roulin
